samedi 4 décembre 2010

Contre la politique partisane

Pourquoi je quitte le Parti Socialiste ? 


La rose n'a plus bonne mine, mais ce n'est pas la seule...

J'ai rejoins le Parti Socialiste en 2006, quelques mois après mon entrée à Sciences Po et quelques jours après la désignation de Ségolène Royal comme candidate à l'élection présidentielle.

J'ai choisi le Parti Socialiste à la fois par tradition familiale (on trouve chez moi plusieurs oncles adhérents de longue date, le département d'où je viens a longtemps voté à gauche, et la référence politique de mes parents était François Mitterrand tant par les réformes de 1981 que par son parcours et sa personnalité) et peut-être par des réflexes aussi largement conditionnés par une partie du terreau culturel de mon enfance et que je juge aujourd'hui durement (du type : "on ne peut pas être ailleurs qu'à gauche quand on est jeune et un peu intellectuel", "l'alternance est automatique"...).

En 4 ans, je suis passé par tous les courants, j'ai soutenu toutes les personnalités possibles. J'ai essayé de créer des associations étudiantes. J'ai essayé assistant parlementaire. J'ai essayé la politique locale. J'ai même finalement essayé de créer mon propre parti politique, dans un moment assez délirant et suite à mes attentes fortement déçues, je dois l'avouer. On m'a taxé d'instabilité (c'est vrai) voire d'arrivisme (je ne crois pas, dans la mesure où je choisissais toujours de me mettre du côté des perdants, presque volontairement). En réalité, j'ai cherché, avec obstination et un capital d'espoir au départ énorme (peut-être trop élevé), quelque chose que je n'ai jamais réussi à trouver mais que j'étais pourtant persuadé (certainement par conformisme) de ne pas pouvoir obtenir ailleurs.

J'ai récemment décidé d'arrêter et de quitter le Parti Socialiste. Enfin, j'en suis techniquement toujours membre, car si j'ai bien compris les statuts, on est membre deux ans après avoir arrêté de payer sa cotisation. Mais ceci est un détail technique. Peut-être y a-t-il un moyen de le quitter immédiatement (par une lettre de démission ? en tentant d'obtenir l'exclusion ?) ? Je ne veux pas me lancer là-dedans, pour deux raisons. La première, c'est que ce serait encore jouer le jeu des partis et de leurs règles désuètes. La seconde, c'est que je n'ai pas de rancune, je n'ai rien de particulier contre le Parti Socialiste.

Une mauvaise idée de la politique inculquée par la pratique des années 90


J'ai rejoins un parti car je voulais m'engager en politique, ou plus précisément car j'étais intéressé voire intrigué par cette activité. J'avais déjà une haute idée de la politique en ce sens qu'elle était pour moi la plus haute activité humaine et qu'elle me paraissait demander des qualités, notamment de résistance spirituelle, de résilience, sans commune mesure.

Mais j'avais finalement une mauvaise idée de la politique et je n'ai trouvé que ce qu'inconsciemment je cherchais. Je n'avais jamais réfléchi à ce que devait être la politique. J'avais simplement été marqué par l'image que les années 90 et le début des années 2000 avaient montré d'elle :

- le culte de la conservation du pouvoir à tout prix (Mitterrand, son interprétation de la Constitution lors des cohabitations, sa lutte contre le cancer, et Chirac et sa capacité d'attente entre 1997 et 2002) ;


- la manipulation comme outil essentiel pour parvenir à ses fins (en particulier celle du Front National par Mitterrand et des faits divers par Chirac dans la campagne de 2002 ou encore les promesses non tenues et les changements de pied des deux présidents) ;

- le mépris des réformes (le mépris de Mitterrand pour Rocard ou le peu de considération des Français pour Jospin) ;

- l'immobilisme érigé en modèle de gouvernement (e. g. la non-application de la loi CPE le jour même de sa promulgation) et l'image valorisée d'une France isolée du monde, voire îlot de résistance dans l'Occident en déclin (les conflits sociaux successifs toujours remportés par les syndicats et les projets sans cesse retirés comme en 1995).

J'avais fini par valoriser cela (suivant la thèse "le gagnant a forcément raison"). Si j'avais une haute idée de la politique et qu'elle m'attirait c'est parce que j'étais impressionné par la capacité de ces hommes à évoluer dans un environnement si négatif et à transformer de tels défauts en qualité. Seraient-ils des surhommes ? Disposeraient-ils de pouvoirs particuliers, au-delà de la raison communément partagée ?

Dans les partis : Politique spectacle et abrutissement militant

C'est ce que j'ai trouvé dans les partis. Les partis politiques sont aujourd'hui le lieu où se cristallisent ces mauvaises pratiques des années passées et quelques autres encore. Commençons par mon expérience du Parti Socialiste.

- Au niveau national, nulle réflexion programmatique, aucun débat de fond. Les textes sont des compromis entre leaders résultant de subtils dosages pour coller aux équilibres issus des votes internes. Ils sont donc complètement déconnectés de la réalité du fait de la sociologie dépassée du Parti et de la permanence au plus haut niveau de leaders issus des années 90 voire 80. Ainsi, Ségolène Royal a réussi l'exploit de mener une campagne présidentielle sans programme, s'appuyant simplement sur un patchwork style camaïeu de propositions extérieures et non financées (le thème national repris à Jean-Pierre Chevènement, un peu d'écologie empruntée aux Verts, quelques clins d'oeil à Besancenot sur le social, un chapitre pour se rapprocher des entrepreneurs...). Enfin : une politique de clientèle surmontée d'un vernis médiatique et que certains avaient même réussi à théoriser comme le nec plus ultra de la modernité !

La "politique spectacle", la "politique jeu", c'est ce qu'aujourd'hui je refuse.

- Mon but, à travers cet article n'est pas de raconter l'intégralité de mes déboires, encore moins de dépeindre in extenso le paysage de la galaxie socialiste tel que je l'ai traversé mais il se trouve qu'à travers cette campagne et au-delà, j'ai aussi pu rencontrer "les jeunes". Les jeunes, parlons-en des jeunes. Si Mitterrand avait raison sur un point, c'est que le MJS est bien "l'école du vice". Ceux qui en sont membre passent leurs soirées dans d'interminables réunions où on vous forme à lever la main au bon moment et à ajouter des arguments toujours plus spécieux à l'orientation gauchiste et irréaliste des textes déjà proposés. Sans oublier les "collages" (auxquels je me flatte d'ailleurs de n'avoir jamais participé) d'affiches, souvent nocturnes... Mais comment peut-on être intéressé par cette activité ? Je plains ces gens de noyer leur jeunesse dans un tel ennui. Tout cela dans un seul but : connaître sa place sur la liste unique qui permettra l'élection de tel ou tel organe de direction (c'est-à-dire nulle part). Au prix d'un abrutissement sans fin.

- On peut aussi s'abrutir de jour. :-) Ca, c'est le métier d'assistant parlementaire. J'ai tenu 4 mois. Je ne sais toujours pas comment j'ai fait. 4 mois à remplir des agendas, 4 mois à passer des coups de fil inintéressant, 4 mois à copier-coller des argumentaires (rédigés par le groupe parlementaire, le député ne vas pas non plus se mettre à réfléchir par lui-même, il faut pas abuser quand même)... Tout cela au rythme des horaires des séances du Parlement...


- Alors, après une petite pause nécessaire pour digérer tout cet ennui en barre, j'ai fait un nouveau test. Je me suis dit : ce qui ne vas pas, c'est Paris. Retourne chez toi, dans ta ville d'origine, ce sera plus sympa. Ah, les joies de la politique locale ! Intellectuellement, ça dépasse l'entendement. Il y a bien des trucs sympas. C'est agréable de rencontre les gens, de voir leurs vrais problèmes, la façon dont ils vivent, ce qu'ils pensent de la politique... Il y a aussi des responsables politiques de qualité. Mais les réunions de parti, ce n'est vraiment qu'une comédie de plus... Personne n'a d'influence réelle sur les textes, peu de militants y comprennent quelque chose, mais tout le monde fait semblant !


Qu'aurais-je fais de mieux ailleurs ? A l'UMP, on ne fait que porter la parole du gouvernement. Sans parler des "Jeunes Pop'" qui se métamorphosent en trolls systématiques amenés par leur sémillant leader Benjamin Lancar. Au MoDem, on doit se réunir une fois par an pour reconduire le chef ou voter tel ou tel texte émanant du cerveau de François Bayrou en personne. Sans parler des extrêmes, où de toute manière je ne me reconnaîtrais pas. Quant aux Verts, c'est bien trop compliqué pour moi, et certainement encore plus que le Parti Socialiste.

Cette politique là, qui au départ m'intriguait, je ne l'aime plus. Je n'y toucherai plus jamais. La politique telle qu'elle se pratique dans les partis, sous la forme d'une compétition de personnes sans cesse recommencée, est nuisible pour la société et doit être combattue. Aussi, je n'ai plus rien de socialiste. Ce que je pense, ce que je suis, ce que je souhaite, ne peut être enfermé dans aucun parti, dans aucune idéologie existante.


L'autre culture politique et ses lieux

Qu'est-ce pour moi que la politique ? Je définis aujourd'hui la politique de manière simple comme la gestion partagée de la vie de la cité et l'activité qui consiste à concilier dans le temps les attentes individuelles avec les besoins collectifs. Pour ma part, en tant que citoyen, je réclame avant tout de la liberté d'expression et du débat. L'homme politique, quant à lui, doit mettre les citoyens face aux obstacles qu'il va rencontrer sans mentir, il doit exprimer une analyse juste de la société, et proposer des mesures concrètes et financées, organisées. Il doit être indissociable de ce qu'il propose et il doit se construire au contact de la société.

Sur Internet, de nouvelles agoras...

Ai-je encore envie de faire de la politique aujourd'hui ? Où faire de la politique ? Je crois que la meilleure façon de s'impliquer en politique aujourd'hui, c'est de faire du lobbying. C'est-à-dire de faire passer des idées tout en restant à l'extérieur des partis et des organes de pouvoir installés. Alors, bien sûr, il y a lobbying et lobbying... Il y a faire passer des idées que l'on ne partage pas, à titre professionnel et pour le compte d'entreprises. Et il y a les possibilités ouvertes par internet. Sans aucun doute, je préfère les secondes.

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