mercredi 15 décembre 2010

Un bonheur de stage

Intensification du travail et perte de sens

La question de la dégradation des conditions de travail est régulièrement revenue dans l'actualité de ces derniers mois. On pense en particulier au triste épisode des suicidés de France Télécom. Plus largement, les études montrent que la France est un des pays avec la productivité horaire la plus élevée au monde. Nous peinons de plus en plus à innover. Alors, dans un réflexe de peur face aux changements du monde, nous trouvons refuge dans la standardisation des procédures. Notons que l'outil informatique est ici d'un précieux soutien : les ERP sont des contre-maîtres sans pareil. J'entendais même récemment parler d'entreprises où les employés étaient obligés de contourner les procédures pour pouvoir faire leur travail. Si vous vivez cette mésaventure, ne vous faîtes pas trop d'illusions sur l'avenir de votre entreprise, ça va pas s'améliorer, je vous conseille plutôt la grève du zèle et puis de trouver autre chose... Les enquêtes d'opinion (ça vaut ce que ça vaut...) confirme ce malaise au travail.


En réalité, il est double. Nous vivons à la fois une intensification du travail et une perte de sens. Ces problèmes sont présents à tous les niveaux hiérarchiques, même pour les diplômés de Sciences Po. Je ne prendrai que deux exemples, sans aller dans les cas extrêmes et bien connus de la finance et de la banque. D'abord, une expérience personnelle : les stages administratif ou politique, c'est inintéressant au possible, tant cela se résume à un surplus de main-d'œuvre pour remplacer les postes non pourvus en secrétariat. Pour une fois et sur ce point précis des conditions de travail (je ne suis pas d'accord avec eux sur les faibles rémunérations, qui ne sont pas systématiques), les jeunes socialistes n'ont pas tort (voir page 7 § 1). Mais nous pouvons aussi parler du privé. Nombre de mes camarades ont fait des stages très bien rémunérés en cabinet d'avocats (entre 1500 et 2000 euros par mois, alors qu'ils n'ont même pas encore le pré-CAPA). Aujourd'hui, à Paris, il n'y a quasiment plus que de trés gros cabinets internationaux. Ils ont besoin de main-d'oeuvre compétente et n'hésite pas à la rémunérer fortement pour faire un boulot de tâcheron jusqu'à pas d'heures (22 h au moins tous les soirs...). C'est l'exemple même d'une entreprise privée qui s'est bureaucratisée à l'extrême et qui utilise des jeunes diplômés en situation de sur-qualification.


"Une bonne planque !"

Rien de ce que j'ai décrit précédemment ne m'intéresse : ni d'être sur-payé pour un boulot abrutissant, ni de me contenter de la satisfaction illusoire de travailler pour un intérêt général bien dilué... Mais étant étudiant en Master à Sciences Po, j'ai consacré le début de mon année 2010 à la recherche d'un stage de fin d'études obligatoires. J'ai finalement trouvé mon stage à Sciences Po même par l'intermédiaire d'un de mes professeurs. J'ai donc débuté le 23 septembre en tant que chargé de mission "Communauté numérique" au médialab de SciencesPo.

Mes camarades affichent encore un ton moqueur par rapport à cet emploi. Je n'ai que deux jours de présence obligatoire au bureau (9h30 - 12h30 / 14h - 17h30). Ils en concluent que je ne fais rien. Pour eux, j'ai trouvé "une bonne planque". D'autant plus que je suis payé (ce n'est pas énorme, légèrement au-dessus du seuil légal). Ajoutez à cela les remarques sur le manque d'exotisme de mon employeur : comme si aller dans un ministère de la rue de Varenne ou un cabinet d'avocats place de la Madeleine, c'était exotique ! Ou comme si on était obligé de s'expatrier à l'autre bout de la planète pour trouver une activité intéressante.

Je le vis différemment !

Je trouve pour ma part de nombreux points de satisfaction dans ce stage. Et plus j'avance, plus c'est stimulant.

Le premier élément positif, c'est l'entreprise dans laquelle je fais mon stage. Sciences Po est une institution de 800 salariés et environ 10 fois plus d'étudiants qui bénéficie d'une renommée mondiale, grâce à son histoire mais aussi de part la capacité qu'elle a eu ses dix dernières années, à évoluer sur les plans de l'internationalisation, de la diversification et de la professionnalisation. Plus mobile qu'une administration, moins incertaine qu'une start-up, elle est un formidable terrain pour expérimenter la conduite du changement numérique, pour apprendre à mettre en place des réformes acceptées, financées et efficaces. Le passage au numérique ne fait pas partie des premières priorités de l'établissement, le développement de formes de travail plus collaboratives et transversales ainsi que leur équipement par des outils adaptés encore moins. Ce changement là n'est ni refusé ni demandé par les salariés, l'intérêt s'en trouve augmenté puisqu'il faut expliquer son intérêt, son importance et réussir à fédérer des aspirations parfois contradictoires autour d'une solution unique.

Le second élément, ce sont mes conditions de travail. C'est pour moi un élément primordial. La possibilité de travailler à domicile ou ailleurs 3 jours par semaine sur 5 est un point essentiel. Mon efficacité est bien plus importante chez moi et quand je peux travailler à l'heure où je souhaite. Deux points viennent réguler cette situation : l'obligation de travailler au bureau deux jours par semaine (cela permet de faire partie d'une équipe et de ne pas oublier qu'on a un boulot !) et un briefing hebdomadaire avec mon maître de stage au cours duquel on effectue une revue complète de mes travaux récents et on établit mes objectifs pour la semaine à venir. Au départ, je veux bien reconnaître que j'étais légèrement désorienté et sous-productif (il m'a fallu 2 ou 3 semaines pour me fondre dans le poste et comprendre mes missions) mais l'autonomie dont je dispose dans mon travail m'a permis de trouver du sens dans mon travail et ainsi de m'y impliquer de plus en plus. Ma capacité de création, d'initiative et de travail en équipe avec des gens qui à tous les niveaux de la hiérarchie me considèrent positivement et me donnent des responsabilité, vont progresser sans difficulté. C'est de cela dont les entreprises ont aujourd'hui besoin.

Le troisième, c'est mon maître de stage. C'est un universitaire. Pas la même chose qu'un administrateur pur jus ou qu'un entrepreneur classique épris de son seul profit. Il sait laisser la place au temps long pour obtenir des résultats. Sa connaissance des enjeux politiques du numérique, la matière sur laquelle je travaille permet de rajouter une dimension théorique à mon travail, ce qui n'est pas négligeable, tant de stages étant abrutissants au possible. Enfin, mes missions me permettent de découvrir la gestion de projets avec des gens expérimentés et didactiques et d'apprendre à monter des communautés. Conclusion : Je n'ai pas à laisser ma libido sciendi à la maison.

samedi 4 décembre 2010

Contre la politique partisane

Pourquoi je quitte le Parti Socialiste ? 


La rose n'a plus bonne mine, mais ce n'est pas la seule...

J'ai rejoins le Parti Socialiste en 2006, quelques mois après mon entrée à Sciences Po et quelques jours après la désignation de Ségolène Royal comme candidate à l'élection présidentielle.

J'ai choisi le Parti Socialiste à la fois par tradition familiale (on trouve chez moi plusieurs oncles adhérents de longue date, le département d'où je viens a longtemps voté à gauche, et la référence politique de mes parents était François Mitterrand tant par les réformes de 1981 que par son parcours et sa personnalité) et peut-être par des réflexes aussi largement conditionnés par une partie du terreau culturel de mon enfance et que je juge aujourd'hui durement (du type : "on ne peut pas être ailleurs qu'à gauche quand on est jeune et un peu intellectuel", "l'alternance est automatique"...).

En 4 ans, je suis passé par tous les courants, j'ai soutenu toutes les personnalités possibles. J'ai essayé de créer des associations étudiantes. J'ai essayé assistant parlementaire. J'ai essayé la politique locale. J'ai même finalement essayé de créer mon propre parti politique, dans un moment assez délirant et suite à mes attentes fortement déçues, je dois l'avouer. On m'a taxé d'instabilité (c'est vrai) voire d'arrivisme (je ne crois pas, dans la mesure où je choisissais toujours de me mettre du côté des perdants, presque volontairement). En réalité, j'ai cherché, avec obstination et un capital d'espoir au départ énorme (peut-être trop élevé), quelque chose que je n'ai jamais réussi à trouver mais que j'étais pourtant persuadé (certainement par conformisme) de ne pas pouvoir obtenir ailleurs.

J'ai récemment décidé d'arrêter et de quitter le Parti Socialiste. Enfin, j'en suis techniquement toujours membre, car si j'ai bien compris les statuts, on est membre deux ans après avoir arrêté de payer sa cotisation. Mais ceci est un détail technique. Peut-être y a-t-il un moyen de le quitter immédiatement (par une lettre de démission ? en tentant d'obtenir l'exclusion ?) ? Je ne veux pas me lancer là-dedans, pour deux raisons. La première, c'est que ce serait encore jouer le jeu des partis et de leurs règles désuètes. La seconde, c'est que je n'ai pas de rancune, je n'ai rien de particulier contre le Parti Socialiste.

Une mauvaise idée de la politique inculquée par la pratique des années 90


J'ai rejoins un parti car je voulais m'engager en politique, ou plus précisément car j'étais intéressé voire intrigué par cette activité. J'avais déjà une haute idée de la politique en ce sens qu'elle était pour moi la plus haute activité humaine et qu'elle me paraissait demander des qualités, notamment de résistance spirituelle, de résilience, sans commune mesure.

Mais j'avais finalement une mauvaise idée de la politique et je n'ai trouvé que ce qu'inconsciemment je cherchais. Je n'avais jamais réfléchi à ce que devait être la politique. J'avais simplement été marqué par l'image que les années 90 et le début des années 2000 avaient montré d'elle :

- le culte de la conservation du pouvoir à tout prix (Mitterrand, son interprétation de la Constitution lors des cohabitations, sa lutte contre le cancer, et Chirac et sa capacité d'attente entre 1997 et 2002) ;


- la manipulation comme outil essentiel pour parvenir à ses fins (en particulier celle du Front National par Mitterrand et des faits divers par Chirac dans la campagne de 2002 ou encore les promesses non tenues et les changements de pied des deux présidents) ;

- le mépris des réformes (le mépris de Mitterrand pour Rocard ou le peu de considération des Français pour Jospin) ;

- l'immobilisme érigé en modèle de gouvernement (e. g. la non-application de la loi CPE le jour même de sa promulgation) et l'image valorisée d'une France isolée du monde, voire îlot de résistance dans l'Occident en déclin (les conflits sociaux successifs toujours remportés par les syndicats et les projets sans cesse retirés comme en 1995).

J'avais fini par valoriser cela (suivant la thèse "le gagnant a forcément raison"). Si j'avais une haute idée de la politique et qu'elle m'attirait c'est parce que j'étais impressionné par la capacité de ces hommes à évoluer dans un environnement si négatif et à transformer de tels défauts en qualité. Seraient-ils des surhommes ? Disposeraient-ils de pouvoirs particuliers, au-delà de la raison communément partagée ?

Dans les partis : Politique spectacle et abrutissement militant

C'est ce que j'ai trouvé dans les partis. Les partis politiques sont aujourd'hui le lieu où se cristallisent ces mauvaises pratiques des années passées et quelques autres encore. Commençons par mon expérience du Parti Socialiste.

- Au niveau national, nulle réflexion programmatique, aucun débat de fond. Les textes sont des compromis entre leaders résultant de subtils dosages pour coller aux équilibres issus des votes internes. Ils sont donc complètement déconnectés de la réalité du fait de la sociologie dépassée du Parti et de la permanence au plus haut niveau de leaders issus des années 90 voire 80. Ainsi, Ségolène Royal a réussi l'exploit de mener une campagne présidentielle sans programme, s'appuyant simplement sur un patchwork style camaïeu de propositions extérieures et non financées (le thème national repris à Jean-Pierre Chevènement, un peu d'écologie empruntée aux Verts, quelques clins d'oeil à Besancenot sur le social, un chapitre pour se rapprocher des entrepreneurs...). Enfin : une politique de clientèle surmontée d'un vernis médiatique et que certains avaient même réussi à théoriser comme le nec plus ultra de la modernité !

La "politique spectacle", la "politique jeu", c'est ce qu'aujourd'hui je refuse.

- Mon but, à travers cet article n'est pas de raconter l'intégralité de mes déboires, encore moins de dépeindre in extenso le paysage de la galaxie socialiste tel que je l'ai traversé mais il se trouve qu'à travers cette campagne et au-delà, j'ai aussi pu rencontrer "les jeunes". Les jeunes, parlons-en des jeunes. Si Mitterrand avait raison sur un point, c'est que le MJS est bien "l'école du vice". Ceux qui en sont membre passent leurs soirées dans d'interminables réunions où on vous forme à lever la main au bon moment et à ajouter des arguments toujours plus spécieux à l'orientation gauchiste et irréaliste des textes déjà proposés. Sans oublier les "collages" (auxquels je me flatte d'ailleurs de n'avoir jamais participé) d'affiches, souvent nocturnes... Mais comment peut-on être intéressé par cette activité ? Je plains ces gens de noyer leur jeunesse dans un tel ennui. Tout cela dans un seul but : connaître sa place sur la liste unique qui permettra l'élection de tel ou tel organe de direction (c'est-à-dire nulle part). Au prix d'un abrutissement sans fin.

- On peut aussi s'abrutir de jour. :-) Ca, c'est le métier d'assistant parlementaire. J'ai tenu 4 mois. Je ne sais toujours pas comment j'ai fait. 4 mois à remplir des agendas, 4 mois à passer des coups de fil inintéressant, 4 mois à copier-coller des argumentaires (rédigés par le groupe parlementaire, le député ne vas pas non plus se mettre à réfléchir par lui-même, il faut pas abuser quand même)... Tout cela au rythme des horaires des séances du Parlement...


- Alors, après une petite pause nécessaire pour digérer tout cet ennui en barre, j'ai fait un nouveau test. Je me suis dit : ce qui ne vas pas, c'est Paris. Retourne chez toi, dans ta ville d'origine, ce sera plus sympa. Ah, les joies de la politique locale ! Intellectuellement, ça dépasse l'entendement. Il y a bien des trucs sympas. C'est agréable de rencontre les gens, de voir leurs vrais problèmes, la façon dont ils vivent, ce qu'ils pensent de la politique... Il y a aussi des responsables politiques de qualité. Mais les réunions de parti, ce n'est vraiment qu'une comédie de plus... Personne n'a d'influence réelle sur les textes, peu de militants y comprennent quelque chose, mais tout le monde fait semblant !


Qu'aurais-je fais de mieux ailleurs ? A l'UMP, on ne fait que porter la parole du gouvernement. Sans parler des "Jeunes Pop'" qui se métamorphosent en trolls systématiques amenés par leur sémillant leader Benjamin Lancar. Au MoDem, on doit se réunir une fois par an pour reconduire le chef ou voter tel ou tel texte émanant du cerveau de François Bayrou en personne. Sans parler des extrêmes, où de toute manière je ne me reconnaîtrais pas. Quant aux Verts, c'est bien trop compliqué pour moi, et certainement encore plus que le Parti Socialiste.

Cette politique là, qui au départ m'intriguait, je ne l'aime plus. Je n'y toucherai plus jamais. La politique telle qu'elle se pratique dans les partis, sous la forme d'une compétition de personnes sans cesse recommencée, est nuisible pour la société et doit être combattue. Aussi, je n'ai plus rien de socialiste. Ce que je pense, ce que je suis, ce que je souhaite, ne peut être enfermé dans aucun parti, dans aucune idéologie existante.


L'autre culture politique et ses lieux

Qu'est-ce pour moi que la politique ? Je définis aujourd'hui la politique de manière simple comme la gestion partagée de la vie de la cité et l'activité qui consiste à concilier dans le temps les attentes individuelles avec les besoins collectifs. Pour ma part, en tant que citoyen, je réclame avant tout de la liberté d'expression et du débat. L'homme politique, quant à lui, doit mettre les citoyens face aux obstacles qu'il va rencontrer sans mentir, il doit exprimer une analyse juste de la société, et proposer des mesures concrètes et financées, organisées. Il doit être indissociable de ce qu'il propose et il doit se construire au contact de la société.

Sur Internet, de nouvelles agoras...

Ai-je encore envie de faire de la politique aujourd'hui ? Où faire de la politique ? Je crois que la meilleure façon de s'impliquer en politique aujourd'hui, c'est de faire du lobbying. C'est-à-dire de faire passer des idées tout en restant à l'extérieur des partis et des organes de pouvoir installés. Alors, bien sûr, il y a lobbying et lobbying... Il y a faire passer des idées que l'on ne partage pas, à titre professionnel et pour le compte d'entreprises. Et il y a les possibilités ouvertes par internet. Sans aucun doute, je préfère les secondes.

samedi 27 novembre 2010

Pronostics 2012 : la surprise centriste

Tout le monde donne son avis sur la présidentielle de 2012. Voici le mien.

Résultat : la victoire de la continuité

Je pense que Nicolas Sarkozy sera réélu et qu'il battra François Bayrou au second tour, par un faible écart.

Premier tour : l'échec de la gauche

La candidate du Parti Socialiste sera Martine Aubry. Elle sera éliminée dès le 1er tour à cause d'une campagne peu dynamique (elle n'a pas l'air d'avoir un gros appétit pour l'Elysée et encore moins pour la campagne) et déconnectée des réalités (propositions trop dépensières, étatistes et dépassées). Elle a été poussé à son poste par Fabius et c'est l'aile étatiste (Hamon) du parti qui tient clairement la corde sur les propositions importantes pour la crédibilité du parti (économie, social...).

A la gauche de la gauche, nous aurons Mélenchon représentant le Front de Gauche (Chassaigne ne fera pas le poids à mon sens) et deux ou trois candidats trotskystes (Besancenot s'il veut y retourner après ses échecs, Nathalie Arthaud peut-être, un candidat du Parti des Travailleurs éventuellement). A mon sens, le total de leurs voix ne sera pas beaucoup plus élevé que d'habitude et Mélenchon ne fera pas un score exceptionnel. Allez, soyons généreux, un peu moins de 15% pour eux 4 avec une moitié pour Mélenchon (ce qui est pas mal pour le PCF quand même !).

Il faut également ajouter une candidature verte (probablement Eva Joly si elle n'est pas obligée de renoncer avant, elle fera un score trés faible je pense par rapport aux meilleurs scores des écolos, moins de 8%, elle parle mal le Français et aura beaucoup de mal lors des débats).

Bayrou sera le seul candidat au centre. Il fera un score de premier tour à la Chirac (autour de 20%, peut-être un peu plus) pour passer au second tour. Sarkozy musèlera toute tentative de candidature d'un centriste de la majorité (Borloo ou Morin par exemple) car il souhaitera apparaître comme le candidat de la droite et du centre, voire même le candidat évident, le président sortant, celui de l'unité de la nation et de la continuité de l'action politique, notamment internationale. Il fera un score trés élevé dès le 1er tour (il fera plus de 30%).

Marine Le Pen représentera bien sûr le FN et fera un gros score je pense (autour de 15%, peut-être un peu moins).

Au total, nous aurons plus de 40% pour Sarkozy et Le Pen (représentants la droite), entre 25 et 30% au centre (Eva Joly, Bayrou) et moins de 35% pour le total des voix de gauche (ce qui serait historiquement faible).

Second tour : les législatives en perspective font la différence

Bayrou devra encore attendre avant de raccompagner Nicolas Sarkozy vers la sortie de l'Elysée. En 2012, François, tu montes une marche de plus, mais tu n'as toujours pas les clés du château !


L'entre-deux-tours sera décisif. La gauche de la gauche (Besancenot et les éventuels autres candidats trotskistes, Mélenchon et le PCF) n'appelera pas à voter Bayrou. Il y a trop de divergences programmatiques entre eux.

Le PS sera hésitant et manquera de clarté, partagé entre les personnalités de la gauche du parti qui refuseront de donner des consignes de vote claire, argumentant sur le thème "bonnet blanc - blanc bonnet" et les réformistes qui se jetteront à l'eau, sans oublier d'employer quelques précautions de langage pour ne pas apparaître comme des socio-traîtres aux yeux des gardiens de la novlangue du parti.

Le FN n'apportera pas non plus ses voix à Sarkozy. Mais le report se fera néanmoins largement sur lui du fait de son instrumentalisation de la sécurité et de l'immigration et de sa bonne identification à ce thème depuis plusieurs années, ce qui lui permettra de remporter l'élection présidentielle. Il pourra même compter sur des voix de gauche qui le préfèreront à Bayrou, du fait de son discours régulateur (G20...) et de son côté bonapartiste (je pense aux mélenchonistes).

Enfin, Sarkozy, ses soutiens et les médias attaqueront fortement Bayrou sur son incapacité à obtenir par la suite une majorité parlementaire et agiterons le spectre de la paralysie des institutions et du retour à une forme de cohabitation.

Conclusion : business as usual

Cette élection, comme les précédentes, suivra l'adage "Au premier tour, on choisit, au second, on élimine.".

lundi 27 septembre 2010

Une nouvelle génération d'Européens

L'Europe est en panne. C'est aujourd'hui le continent qui est le plus en perte de vitesse du monde entier. L'Europe ne pêche pas que par l'incapacité de ses dirigeants à porter des propositions politiques justes et innovantes. Elle est aussi en difficulté sur le plan économique, financier, monétaire car elle est au coeur de toutes les contradictions. Elle souffre enfin de son manque de gouvernance, de son incapacité à décider. Le traité de Lisbonne était supposé nous donner les moyens pour conduire des politiques. Aujourd'hui, nous sommes face à une dilution de l'autorité européenne en un nombre sans fin de responsables : le président de la Commission, le président de l'Eurogroupe, celui de la BCE, celui du Conseil Européen, les 27 chefs d'Etat et de gouvernement... Ce phénomène est structurel et durable.

La faiblesse du sentiment européen est à mon sens une des causes majeures de ce phénomène. Celui-ci fût d'abord entretenu par la volonté de sauvegarder la paix à la suite de la Seconde Guerre Mondiale, dans un contexte de fort dynamisme économique. Ensuite, et en particulier en France, c'est l'illusion que l'Europe pourrait être un moyen pour faire "la France en grand" et au moindre effort qui permis de mettre en place l'Euro à la suite des traités de Maastricht et Amsterdam puis dans une version moins glorieuse, d'adopter les traités de Nice et de Lisbonne. Le sentiment européen était déjà subordonné à l'intérêt national. Ce modèle fût lourdement remis en cause par la chute du mur de Berlin et l'intégration des pays de l'Est. Plus encore, lors du Conseil du 14 juin dernier, le consensus franco-allemand sur la gouvernance s'est brisé. Nicolas Sarkozy a cédé face à la thèse allemande : la gouvernance sera celle de l'Union à 27 et non celle de la zone euro.

L’Auberge Espagnole, de Cédric Klapish, symbolise le phénomène “Erasmus”.
Pourtant, il y a à mon sens des phénomènes concrets qui permettent d'espérer pour l'avenir. La montée en puissance (par une plus grande participation aux scrutins, par l'accession à des responsabilités dans la société) de la "génération Erasmus" est le premier d'entre eux. Entre 1987, l'année de sa création et 2007, le programme Erasmus a permis à 1,5 million d'étudiants de participer à des échanges universitaires entre pays européens partenaires. C'est la renaissance en germe de cette Europe intellectuelle de la Renaissance. Mais d'autres facteurs ont pu accentuer ce phénomène d'habituation à l'identité européenne ("Unie dans la diversité"). L'augmentation des pouvoirs du Parlement Européen et la possibilité pour les citoyens et les associations de répondre à de très nombreuses consultations publiques est à même de créer un maillage plus fin du territoire et des actions transnationales. Les espaces publics nationaux sont beaucoup moins cloisonnés sur Internet qu'à la télévision (voir par exemple l'écho important de l'histoire de cette blogueuse suédoise sur la blogosphère française : http://bit.ly/csjQbr) et la barrière de la langue peut être abaissée plus facilement par la pratique quasi-forcée de l'anglais. Sur un plan plus économique, l'essor des compagnies aériennes low-cost encourage fortement à la mobilité (vacances, travail, week-ends...).

Certaines questions restent encore en suspens notamment la possibilité d'émergence d'un grand webmédia européen. Il existe déjà http://www.euractiv.fr/ mais il est réservé à un public d'initiés. Quant à http://owni.fr/, il s'attaque depuis quelques semaines à la Belgique, ce géant attendu sera-t-il d'origine française ? On peut également s'interroger sur la pénétration de ce nouveau sentiment européen parmi les franges les moins aisées et les moins cultivées de la population. Des phénomènes de rejet se manifesteront sans aucun doute.

jeudi 26 août 2010

François Bayrou président aurait-il plus de pouvoir que Gaston Doumergue ?

Gaston Doumergue, président de la République de 1924 à 1931 et dont René Viviani disait que « Dans une démocratie bien organisée, il serait juge de paix en province. »
A mon sens, François Bayrou fait une analyse politique juste quand il table sur une division durable du Parti Socialiste face à l’élection présidentielle. Il peut à mon sens devenir président de la République. Si on prend comme référence l’âge d’élection de Mitterrand (64) ou de de Gaulle (68), il lui reste encore deux tentatives (il aura 65 ans en 2017).

Toutefois, de quel pouvoir réel disposera-t-il si jamais il parvient à l’Elysée ? A mon sens, d’un pouvoir trés faible. Pour une raison simple, c’est que le Mouvement Démocrate sera trés loin d’être majoritaire à l’Assemblée Nationale.

C’est une majorité de gauche largement dominée par le PS qui serait élue dans ce cas. Le vrai pouvoir reviendrait donc au Premier Ministre et c’est à mon sens François Hollande qui serait le mieux à même de former un gouvernement soutenu par une majorité PS - écologistes - Front de Gauche.

Mais une fois de plus, les communistes devraient retirer leur soutien au gouvernement au bout de 2 ou 3 ans (on se souvient de 1984 et même des tensions en 2000) et le PS pourrait alors dans ce cas être poussé à former une majorité avec les écolos et le MoDem pour se relancer avant les présidentielles.. Dans ce cas là, Manuel Valls serait au centre de gravité pour diriger un gouvernement former de “jeunes” personnalités charismatiques (Montebourg, Peillon…). Cela permettrait ainsi de tirer la leçon de l’erreur de Lionel Jospin en 2000 qui avait préféré rappeler les éléphants plutôt que de faire monter une nouvelle génération.

Bayrou serait lui réduit à un statut d’autorité morale. Voilà pourquoi à mon sens, le Parti Socialiste doit se garder de l’obsession présidentielle et préparer des accords et un projet de gouvernement avec ses partenaires.